Publication GSE, Restoux G. & al.

Les races locales de poules françaises : une ressource à conserver

Les nombreuses races locales de poules françaises constituent un réservoir important de diversité neutre et adaptative. Elles sont généralement élevées en plein air et associées à un territoire, et donc potentiellement adaptées à une large gamme de conditions environnementales, ce qui peut s’avérer utile pour faire face au réchauffement climatique et opérer la transition agroécologique.

Elles présentent l’avantage d’être souvent à double fin, c’est-à-dire qu’elles produisent des œufs et de la viande, permettant ainsi de valoriser les deux sexes contrairement aux races « commerciales » spécialisées (poules pondeuses ou poulets de chair) et d’envisager des filières de production répondant mieux aux attentes en matière d’éthique. Cependant, ces races sont souvent représentées par de petits effectifs, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la dérive et à la consanguinité. Leur gestion (reproduction, renouvellement des générations, …) n’est pas toujours coordonnée et repose parfois sur des éleveurs amateurs pour lesquels un suivi du pedigree est compliqué, voire impossible.

Dans le cadre du projet BioDivA conduit en collaboration avec l’ITAVI et le SYSAAF, nous avons étudié la diversité et la structure génétiques de 22 races locales de poules françaises en utilisant à la fois du génotypage (57K SNP) et des pedigrees lorsqu’ils étaient disponibles. Nous avons démontré que les niveaux de diversité génétique inter- et intra-races sont élevés dans les populations françaises avec de fortes différenciations génétiques entre elles (mesure de différenciation, Fst moyen=24%) et des effectifs génétiques efficaces (i.e. indicateurs de diversité génétique), Ne, élevés compte-tenu des effectifs réels des races (Ne=[22 ; 285] individus). La diversité est principalement structurée en fonction de l’objectif de sélection (chair, ponte, mixte) et de l'histoire des races (constitution, croisement…). Néanmoins, nous avons observé une sous-structuration importante au sein des races en fonction des pratiques des éleveurs en termes d'échanges et de sélection d’animaux, en particulier chez les éleveurs amateurs (clubs, groupes, constitution de variétés au sein des races), conduisant à des troupeaux plus ou moins génétiquement isolés. En analysant les paramètres démographiques et les informations moléculaires, nous avons montré que les programmes de gestion/conservation actuels, pour lesquels un suivi des pedigrees et des accouplements est réalisé, sont efficaces pour conserver la diversité génétique. En effet, les races qui ont initié de tels programmes plus précocement présentent une consanguinité plus ancienne et une diversité génétique globalement élevée. Par exemple, l’effectif efficace, Ne, est supérieur à 100 individus pour les races ayant initié un programme de gestion dans les années 90 alors que le Ne est inférieur à 100 individus quand il a été initié dans les années 2000.

Nous recommandons que les futurs programmes de gestion des races (conservation / sélection) échantillonnent autant d'individus, mâles et femelles, que possible (relativement aux effectifs des races) dès leur mise en place, et qu'ils se concentrent sur une augmentation rapide et importante de la taille de la population, tout en conservant autant de familles que possible. Nous soulignons également l'utilité des outils moléculaires pour le suivi et la gestion des petites populations pour lesquelles les pedigrees ne sont pas toujours disponibles. Enfin, la race semble être une unité opérationnelle appropriée pour la conservation de la diversité génétique, même pour les races locales. En effet, bien que l’on puisse s’attendre à des frontières plus floues entre les races locales qu’entre les races/lignées commerciales, en particulier celles non gérées, nous avons montré qu’elles étaient toutes parfaitement distinctes génétiquement. Cependant, ajouter également la prise en compte des variétés intra-races pourrait améliorer les programmes de conservation en permettant de mieux échantillonner la diversité disponible (cf. Figure illustrant le cas de la race Marans).

Voir aussi

Restoux, G., Rognon, X., Vieaud, A., Guémené, D., Petitjean, F., Rouger, R., Brard-Fudulea, S., Lubac-Paye, S., Chiron, G. & Tixier-Boichard, M. Managing genetic diversity in breeding programs of small populations: the case of French local chicken breedsGenet Sel Evol 54, 56 (2022). <10.1186/s12711-022-00746-2>